À l’Ombre de nos Fantômes

Dimanche 20 février 2022, 17h30 – Salle 300

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de Hamedine Kane et Ayesha Hameed

Mauritanie exp. vf 2018 coul. 13min (vidéo num.)

Réalisée conjointement par Hameed et Kane, la vidéo In the Shadow of Our Ghosts / À l’ombre de nos fantômes met en scène une personne marchant seule dans des espaces désertiques, urbains ou aux abords de l’eau, qui dialogue avec son ombre, unique compagne de son errance. La solitude de cette personne migrante traversant la contrée sahélienne est accompagnée par le son de ses pas, le bruissement du vent et l’écho des vagues qui se cassent sur une plage. Chevauchant l’image de ce corps anonyme en mouvement, une seconde vidéo montre la mer. Celle qui accueille des adeptes du surf, celle où le mirage d’un bateau prend forme au loin, celle qui rejette sur ses berges les vestiges de ce qu’elle a pris. In the Shadow of Our Ghosts / À l’ombre de nos fantômes relate le destin tragique de 11 hommes migrants retrouvés sans vie à bord d’un bateau fantôme balayé par les vents au sud-est des côtes de la Barbade, le 29 avril 2006, soit plus de quatre mois après leur départ du Cap-Vert, en Afrique. Leurs corps, desséchés par l’air salin et brûlés par le soleil, incarnent le deuil d’une conception naïve de l’océan perçu comme passif, voire bienveillant. La mer, à l’instar des politiques migratoires et des frontières qu’elles instaurent, engouffre, aujourd’hui comme hier, des milliers de vies anonymes. L’œuvre établit un lien poignant entre notre conception de la nature, la violence, l’actualité des vagues migratoires et l’histoire traumatique de la traite des personnes noires à travers le temps et l’espace.

Hamedine Kane

Hamedine Kane (né à Ksar, Mauritanie ; vit à Bruxelles, Belgique, et à Dakar, Sénégal) œuvre à mettre en relief les notions d’exil, d’errance et de mouvement par le truchement des mots et des images. Ses vidéos intimistes rendent visibles et audibles les personnes migrantes et forgent des récits sur leurs manières d’habiter le monde. L’artiste stimule la rencontre, l’accueil et la bienveillance en posant un regard poétique sur leur résilience. En s’intéressant aux sentiments humains, aux animosités, aux désirs, aux amours et aux conflits qui caractérisent l’être en relation, Kane propose de troquer le temps politique par un temps de vie.

Ayesha Hameed

Ayesha Hameed (née à Edmonton, Canada ; vit à Londres, Royaume-Uni) explore l’héritage des diasporas noires à travers la figure de l’océan Atlantique. Par une approche afrofuturiste alliant performances, essais sonores, vidéos et conférences, Hameed s’intéresse au pouvoir mnémonique des médiums, à savoir leur capacité de faire du corps un corps qui se souvient.

Les motifs de l’eau, de la frontière et du déplacement, récurrents dans son travail, permettent de réfléchir aux histoires et aux matérialités de la migration, et plus largement aux rapports entre l’être humain et ce qu’il conçoit comme la nature.

Ce film s’inscrit dans une séance de courts métrages (films d’art) comprenant :
When I Grow Up, I Want to Be a Black Man
An excavation of us
Gwacoulou, Le foyer traditionnel
Bab Sebta
Machini

Présentée par Dyana Gaye et Valérie Osouf (programmatrices)

Heremakono (En attendant le bonheur)

Samedi 12 février 2022, 21h00 – Salle 500

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EnglishFrançais

Heremakono/ Waiting for happiness

A film by Abderrahmane Sissako

with Khatra Ould Abder Kader,
Maata Ould Mohamed Abeid
Mauritania-France, Fiction, 2003, Colour, 95mn, 35MM or Bluray

©Trigon-Film.org

Nouadhibou is a small fishing town on a peninsula off the coast of Mauritania. It is here that Abadallah, a seventeen-year-old Malian, is to be reunited with his mother, while awaiting her departure for Europe. In this frontier town, Abdallah is a little lost and is trying to decipher the world around him. There is Nana, a sensual young woman who is trying to seduce him; Makan, who, like him, dreams of Europe; and Maata, a former fisherman turned electrician, and his disciple Khatra, a young apprentice. It is this mischievous child who teaches Abdallah the local language so that he can break out of his isolation.

Grand prix Fespaco 2003

Abderrahmane Sissako

Abderrahmane Sissako was born in Kiffa, Mauritania, in 1961 and raised in Mali, his father’s homeland. When he returned to Mauritania in 1980, the emotional and financial difficulties of adjustment made him turn to literature and film. A study grant allowed him to attend the Institute of the University of Moscow. Le Jeu (1989), first presented as a graduation assignment, won the prize for best short at the Giornate del Cinema Africano of Perugia in 1991. In 1993, October was shown at Locarno and won prizes the world over. His film Waiting for Happiness was screened at Cannes 2002 and was winner of the FIPRESCI award for best film in the Un certain regard section. It was also shown at the New York Film Festival in 2002 and won the Grand Prize at FESPACO in 2003. The overtly political Bamako (2006) represents a move away from autobiography but the explicit subject of Bamako had been the implicit themes of his other films: the legacy of colonialism and the lopsided relationship between the first and third worlds. Sissako is, along with Ousmane Sembène, Souleymane Cissé, Idrissa Ouedraogo and Djibril Diop Mambety, one of the few filmmakers from Sub-Saharan Africa to reach a measure of international influence. His 2014 film Timbuktu was selected to compete for the Palme d’Or in the main competition section at the 2014 Cannes Film Festival, garnered a 2015 Academy Award nomination for Best Foreign Language Film, and swept the 2015 Cesar Awards in France winning seven awards, including Best Director and Best Film.

Filmography

d’Abderrahmane Sissako

avec Khatra Ould Abder Kader,
Maata Ould Mohamed Abeid
Fr.–Maur. fict. vostf 2002 coul. 1h35 (35mm)

©Trigon-Film.org

Abdallah, un jeune garçon, retrouve sa mère à Nouadhibou, en attendant son départ vers l’Europe. Dans ce lieu d’exil dont il ne comprend pas la langue, il essaie de déchiffrer l’univers qui l’entoure.

Prix FIPRESCI, Festival de Cannes 2002
Étalon d’or, FESPACO 2003

Abderrahmane Sissako

Né le 13 octobre 1961 en Mauritanie, il passe son enfance et son adolescence au Mali où il fera ses études primaires et secondaires. Il vit ensuite dix ans à Moscou, où il se forme à l’Institut Fédéral d’Etat du Cinéma (le célèbre VGIK). Son film de fin d’études, Le Jeu, étonne déjà par sa maturité et ses choix esthétiques. Octobre, court-métrage tourné en Russie et primé dans de nombreux festivals, a pour thème principal l’exil, comme En attendant le bonheur.

Installé maintenant en France, il poursuit son œuvre, dont la singularité est qu’elle fédère à la fois fiction et documentaire, politique et poétique, ouvrant un nouvel espace à l’imaginaire de l’Afrique sahélienne.

Filmographie :

  • 1989 Le Jeu
  • 1990 Sex et perestroïka
  • 1993 Octobre, Prix Un Certain Regard Festival de Cannes
  • 1995 Le chameau et les bâtons flottants
  • 1996 Sabriya
  • 1997 Rostov-Luanda
  • 1998 La vie sur terre
  • 2002 Heremakono (En attendant le bonheur)
  • 2006 Bamako
  • 2008 8, Le rêve de Tiya
  • 2014 Timbuktu

Revue de presse

En attendant le bonheur :: FilmDeCulte

« Heremakono, en attendant le bonheur » : hors du temps, entre désert et océan, la vie continue

Polisario : un peuple en armes

Samedi 22 janvier 2022, 14h00 – Salle 300

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de Med Hondo

avec les voix de Toto Bissainthe,
Marceline Alessé
Mauritanie doc. vostf 1978
coul.1h25 (vidéo num.)

Un témoignage. Ce sont les images et les sons enregistrés sur toute l’aire de lutte du peuple sahraoui et ils témoignent de sa volonté de vivre libre chez lui tout en replaçant le « problème sahroui » dans un contexte véritable. Ex-colonie espagnole dont les richesses sont considérables, le Sahara Occidental devait, comme beaucoup de pays africains, accéder à l’indépendance selon les résolutions des Nations-Unis. L’aveuglement colonial et les tergiversations politiques entrainèrent une prise de conscience plus grande du peuple. Un mouvement national, le Front polisario, fut créé le 10 Mai 1973. Dès le 20 Mai la lutte armée était déclenchée. L’appétit des voisins s’est révélé lors de l’agonie de Franco en Espagne. Depuis 1975, les choses ont bien changé avec la création de la République Sahraoui Démocratique et de l’existence de « zones libérées ». Les soldats marocains sont cantonnés dans les villes. La Mauritanie est sortie de la guerre et a reconnu le Front Polisario. Il s’agissait pour nous de témoigner. La cause du peuple sahraoui est juste. Les moments passés avec lui rendent bien compte de sa détermination à vivre chez lui.

Med Hondo

Né en 1936 en Mauritanie, descendant d’une famille d’esclaves affranchis, Med Hondo arrive à Marseille en 1958. Là commence une vie de petits boulots, une prise de conscience politique et le développement d’une passion pour l’art dramatique et le cinéma.

Après avoir réalisé deux courts-métrages, il entreprend le tournage de Soleil Ô (1969), film au budget dérisoire tourné durant les week-ends. Malgré ces contraintes techniques, ce premier long-métrage démontre la maîtrise cinématographique du réalisateur et une réflexion forte sur la désillusion d’un immigrant africain arrivant sur le sol français. À l’enchantement des premiers instants fait place l’amertume face à un racisme ordinaire et à la peur croissante d’une « invasion noire ». 

Ce film préfigure déjà les thématiques de l’œuvre de Med Hondo. Un cinéma, pourtant encore méconnu en France, qui questionne et met à mal les rapports entre les peuples Africains et leurs anciens colonisateurs. West Indies ou les nègres marrons de la liberté (1979) illustre parfaitement cette problématique au travers d’une comédie musicale sur la traite des esclaves et sur l’asservissement des populations antillaises à la culture européenne.

C’est aussi l’émancipation des peuples d’Afrique qui se trouve au coeur du cinéma de Med Hondo. Polisario : un peuple en armes (1978) et Nous aurons toute la mort pour dormir (1977) documentent la lutte armée du Front Polisario pour l’indépendance du Sahara Occidental. Dans Sarraounia (1987), Med Hondo évoque la vie de la reine africaine du même nom ayant résisté avec son peuple face aux massacres perpétrés par les colonisateurs de la sanglante mission Voulet-Chanoine à la fin du XIXe siècle.  

Depuis le dépôt de sa filmographie et de ses archives en 2015, Ciné-Archives gère les droits de diffusion de ses films et oeuvre à leur conservation et à leur valorisation. En 2017, son premier film Soleil Ô a été restauré par la World Film Foundation de Martin Scorsese, au laboratoire l’Immagine Ritrovata à Bologne ouvrant la voie à une redécouverte de ce cinéaste profondément imprégné d’une culture marxiste.

Revue de presse

Against Ethnic Absolutism: The Hybrid Cinema of Med Hondo – Los Angeles Review of Books

Entretien avec Med Hondo | Sabzian

La projection de ce film sera précédée de Rain